Forteresse d’Abū l-Ḥasan (Liban)

  • Forteresse d’Abū l-Ḥasan : vue depuis l'est

La forteresse d’Abū l-Ḥasan occupe un site de méandre dans la vallée du nahr Awwalī à une vingtaine de kilomètres à l’est de Sidon sur les premières pentes du mont Liban. Elle est située sur un éperon rocheux qui domine de plus de 100 mètres le fleuve qui l’enserre. On accède à la forteresse par une rampe d’accès, tracée dans la boucle du méandre. Elle est défendue par une première tour carrée qui est suivie d’un passage entre des murs guidant l’approche vers une seconde tour-porte bien conservée en élévation. Passée la tour-porte, une autre porte donne accès à un couloir avec des escaliers permettant de monter sur la terrasse supérieure où se développe la forteresse. Les principales structures de la forteresse occupent la plate-forme sommitale du promontoire rocheux large d’une trentaine de mètres et longue de 150 mètres. La tour-maîtresse et les casernements, fouillés en 2021, sont situés tout au nord du site tandis que dans la partie centrale de la plate-forme se trouvent les espaces de stockage (citerne, greniers) et les lieux de production (four à pain).

La première mention textuelle de la forteresse figure sous l’année 1128 dans la chronique latine de Guillaume de Tyr (mort en 1186) où elle est désignée sous le nom de Belhasem et qualifiée de praesidium, mais les fouilles de l’année 2019 ont révélé une occupation beaucoup plus ancienne et ont bouleversé la chronologie établie jusque-là à partir des seules sources littéraires. La découverte de structures et d’artefacts (monnaies et céramiques) d’époques hellénistique et romaine montre la présence ancienne d’un habitat perché que l’on rencontre dans d’autres régions du Liban à la même époque. La construction du praesidium correspond sans doute à une refondation du site au IXe ou au Xe siècle, c’est-à-dire à la fin de l’époque abbasside ou au début de la période fatimide.

L’occupation franque à partir de 1128 se traduit par la construction d’une forteresse occupée durant plus d’un demi-siècle par les Francs. Elle est conquise en 1187 par Saladin après la bataille de Ḥaṭṭīn. Les émirs ayyoubides qui se succèdent alors comme gouverneurs de la forteresse ont pour principale mission de l’intégrer à la ligne de fortifications qui protège le sud-ouest de la principauté de Damas, mais la Ve croisade et la prise de Damiette entraîne en 1218 ou 1219 le démantèlement, sur ordre du prince de Damas, de toutes les forteresses musulmanes à l’ouest du Jourdain au nombre desquelles doit se trouver Abū l-Ḥasan. Le site est alors abandonné et son territoire, au gré des traités de paix entre Francs et musulmans, revient à la famille Grenier, seigneurs de Sidon, puis aux Templiers. Le territoire d’Abū l-Ḥasan est repris par les Mamlouks à la fin du XIIIe siècle. La forteresse semble avoir connu par la suite de courtes périodes de réoccupation sous l’émir Fakhr al-Dīn au début du XVIIe s. et surtout au XVIIIe s. à l’initiative de l’émir Youssef Chéhab.

Depuis 2017, une équipe franco-libanaise (EPHE, Collège de France, Université libanaise) étudie la forteresse d’Abū l-Ḥasan, mène sur le site des campagnes de fouilles et des missions de prospection sur le territoire alentour. Les problématiques de cette recherche portent tout d’abord sur le rôle de la forteresse comme place-frontière entre le royaume latin de Jérusalem et la principauté musulmane de Damas. Il s’agit ainsi d’évaluer la place stratégique qu’elle occupait sur la route Sidon-Damas permettant le franchissement du mont Liban, ainsi que sur la ligne de fortifications située à l’ouest du Jourdain. À l’échelle de la forteresse, il s’agit de comprendre notamment sa chronologie et son fonctionnement depuis son implantation jusqu’à son abandon. Une attention toute particulière est portée à l’identification des constructions franques et musulmanes, à l’impact des nombreux tremblements de terre que connut la région au XIIe siècle sur l’édifice et aux techniques de démantèlement ayant conduit à la destruction et à l’abandon du site sans doute en 1219.

Voir aussi le rapport de la campagne 2019 (Annuaire de l’EPHE 151, 2020) : https://doi.org/10.4000/ashp.3528.

Nos partenaires

Membres de la mission

Directeurs
Hassan El Akra, Président et Directeur Général de la Bibliothèque nationale du Liban, maître de conférences, Université libanaise
Jean-Michel Mouton, Directeur d’études, EPHE, PSL

Membres
Benoît Clavel, Chargé de recherche, CNRS, Museum national d’histoire naturelle
Jean Doumit, Professeur de géographie, Université libanaise
Christian Gaubert, Ingénieur de recherche, CNRS, Collège de France
Jean-Olivier Guilhot, Inspecteur général des patrimoines, Ministère de la Culture
Grace Homsy, Professeur d’archéologie, Université libanaise,
Clément Moussé, Post-doctorant
Gaspard Pagès, Chargé de recherche, CNRS, UMR7041 ArScAn
Jacques Paviot, Professeur d’histoire du Moyen Âge, Université Paris-Est Créteil
Clément Turpin, Masterant, EPHE